[Enquête] Rouen. Quel avenir pour les extensions des terrasses ?

Philippe Coudy est le président de l'Umih, principal syndicat des cafés, bars, hôtels et restaurants, en Seine-Maritime.

Quel bilan tirez-vous des extensions
de terrasse ?

C'est une opération positive. Nous avions demandé cette possibilité d'extension pour maintenir les distances entre les tables et maintenir les capacités de sièges à l'extérieur. Nous sommes maintenant pour que chacun puisse prolonger ces éléments d'extension en payant les droits réajustés. Nous travaillons aussi à proposer à la Ville un projet sur une esthétique renforcée et homogénéisée des terrasses.

Qu'entendez-vous par cette esthétique
des terrasses ?

C'est le respect des lieux, les coloris, le caractère homogène des séparateurs de terrasse, peut-être, les coloris des parasols, l'absence totale de parasols publicitaires… Un plan de ce type ne peut se traiter que sur plusieurs années pour donner le temps aux opérateurs d'investir.

Faut-il autoriser à chauffer
les terrasses ?

Certaines villes ont interdit le chauffage sur les terrasses. Il peut y avoir, je pense, des solutions intermédiaires avec des terrasses semi-fermées. Il y a de l'énergie électrique décarbonée, même si je ne veux pas en faire un sujet politique… On sait que de chauffer l'extérieur est un non-sens. Mais apporter du confort à nos clients sur des terrasses semi-fermées est un élément important pour notre métier. À nous de convaincre la Ville.

"C'est un très bon bilan", lance d'emblée Kader Chekhemani, l'adjoint au maire de Rouen en charge de la tranquillité publique et donc des terrasses, en évoquant les extensions attribuées en 2020 et 2021. Décidées au moment de la reprise pour permettre la distanciation, ces extensions ont été maintenues à la fin des jauges, avec "l'idée de se refaire" pour les cafés, bars et restaurants. Pour la Ville, cela représente un coût important. Les droits de terrasses ont été offerts pour dix mois sur douze en 2020, avec gratuité des extensions. En 2021, un demi-tarif a été appliqué sur les droits de terrasses et les extensions sont restées gratuites, soit une perte de recettes de 303 000 euros pour cette seule année, selon l'élu.

L'expérience a en tout cas permis de confirmer que la dernière charte des terrasses de 2013 n'est plus au goût du jour. Les élus se laissent l'hiver pour parvenir à un nouveau texte, en concertation avec les professionnels. "Les échanges que l'on a nous laissent penser que les besoins ne sont pas les mêmes au printemps et en été qu'en plein milieu de l'hiver. Peut-être qu'on fera évoluer les terrasses quand il y a un besoin pour ne pas avoir des grandes terrasses vides parce que le temps est mauvais", jauge Kader Chekhemani. "Ça nous intéresse de garder la terrasse, confirme Dorothée Bonnard, gérante du Vixen, qui a bénéficié d'une extension. Peut-être pas l'hiver par -12 °C et quand il pleut, mais pour l'été. Le côté saisonnier serait parfait."

Conserver l'effet "waouh"

D'autres préféreraient une décision permanente, comme au Lido, rue Armand-Carrel, où l'équipe imagine des aménagements en dur par mesure de sécurité si l'extension sur les places de stationnement venait à se confirmer. "Ne voyons pas cela de manière saisonnière mais au cas pas cas, pour maintenir la terrasse l'hiver si on le juge nécessaire", tranche Philippe Coudy de l'Umih, principal syndicat de la profession. "Faire de Rouen la plus grande terrasse de France, c'est l'objectif que l'on se fixe, assure toujours Sileymane Sow, adjoint en charge du commerce et de l'attractivité qui siège à la commission terrasses. Je crois que les Rouennais se sont déjà habitués à ces extensions. L'idée sera de conserver l'effet 'Waouh'." Le texte devrait aussi intégrer des dispositions pour des terrasses temporaires, correspondant notamment à l'essor des food trucks. La question du prix et du zonage pour les tarifs va aussi se poser. "On est très raisonnable sur les prix à l'heure actuelle", estime l'élu. "Les droits de terrasse, je vais les payer avec plaisir", lâche dans un sourire Djamel Selloum, du Berbère, qui a profité pour la première fois de cet équipement avec la piétonnisation de la rue des Boucheries Saint-Ouen. Autre aspect qui pourrait être évoqué, celui d'une certaine uniformisation visuelle des terrasses : interdiction stricte de parasols publicitaires, coloris, mobilier de séparation… Un chantier qui pourrait s'étaler sur plusieurs années, étant donné les investissements qu'il demande aux propriétaires. La nouvelle charte des terrasses devrait être présentée au printemps.

À deux pas du quartier des antiquaires, entre Saint-Maclou et Saint-Ouen, la rue des Boucheries Saint-Ouen à Rouen a été le théâtre d'expérimentations pour l'extension des terrasses. Déjà en 2020, la Ville avait permis de "piétonniser" les lieux pour quatre samedis, entre la mi-août et les journées du patrimoine. Devant le succès de l'opération, la démarche a été renouvelée en 2021, du 19 juin jusqu'au 19 septembre, le midi et le soir. Une aubaine pour les établissements de la rue qui avaient, soit des terrasses étriquées, soit même aucune terrasse. "Ça a été un succès fou. Les riverains sont aussi vraiment satisfaits", estime Djamel Selloum, du restaurant Le Berbère, présent depuis 30 ans dans le quartier. L'enthousiasme des commerçants et habitants de la rue a d'ailleurs convaincu de prévoir un réaménagement plus permanent.

Une nouvelle "zone de rencontre"

Des travaux étaient prévus sur le réseau d'eau potable. L'occasion de repenser la rue pour qu'elle soit cohérente avec la place du Lieutenant-Aubert et la rue d'Amiens, déjà transformée en "zone de rencontre" jusqu'à la rue de la République. L'espace va donc être traité en pavés, les trottoirs supprimés. Une seule voie de circulation sera conservée, montante. Les places de stationnement seront supprimées pour faciliter les mobilités douces et les lieux seront davantage végétalisés. Les terrasses pourront donc être élargies de manière pérenne.