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En Colombie, la mort aux trousses pour les activistes indigènes

France-Monde. Au bout du fil, Celia Umenza s'interrompt tout d'un coup: une détonation, des rafales d'armes automatiques résonnent en toile de fond dans la montagne. Pour les leaders autochtones de Colombie, en lutte pour la défense de l'environnement et des droits de leurs communautés, le danger est permanent.

En Colombie, la mort aux trousses pour les activistes indigènes
La militante écologiste Célia Umenza le 7 septembre 2021 à Tacueyo, dans le département de Cauca au sud-ouest de la Colombie - LUIS ROBAYO [AFP]

En pleine interview téléphonique avec l'AFP, l'incident est à peine notable pour Mme Umenza, installée dans son petit bureau de la municipalité de Toribío, dans le département de Cauca (sud-ouest de la Colombie).

Au moins 227 militants écologistes ont été tués dans le monde en 2020: près d'un tiers d'entre eux (65) l'ont été en Colombie, a révélé l'ONG Global Witness dans son rapport annuel publié lundi.

"Répression gouvernementale, représailles des guérillas comme des paramilitaires, la menace est partout", résume, résignée, Mme Umenza, qui a survécu à trois tentatives d'assassinats, dans ce pays en proie aux conflits depuis près de six décennies.

La dernière fois, c'était en 2014. "J'étais dans la camionnette d'un voisin qui me ramenait chez moi, ils nous ont tiré dessus", se rappelle cette femme de 48 ans, sortie indemne de l'incident.

Selon Global Witness, 2020 a été l'année la plus meurtrière pour les défenseurs de l'environnement dans le monde depuis 2012, quand l'ONG a commencé son macabre décompte. Ces attaques sont en augmentation constante depuis 2018.

En dehors de Colombie, les crimes sont concentrés au Mexique (30), aux Philippines (29), au Brésil (20), au Honduras (17) et dans une douzaine d'autres pays. Les victimes ont plusieurs points en commun: 70 % d'entre elles travaillaient pour mettre fin à la déforestation et toutes, sauf une, vivaient dans des pays en développement. Un tiers appartenaient à des peuples autochtones.

Monoculture prédatrice

Au début des années 1970, les peuples indigènes du Cauca ont commencé à s'organiser pour lutter contre les grands producteurs de canne à sucre, qu'ils accusaient de les chasser de leurs terres fertiles pour développer leur activité.

"Les forêts d'autrefois disparaissent, la faune, la flore... C'est très inquiétant", déplore Mme Umenza.

Pour cette membre de la tribu Nasa, pas de doute, la monoculture de la canne à sucre est la principale responsable de la déforestation. Car la canne "consomme beaucoup d'eau et assèche les sols".

Les conclusions du rapport de Global Witness vont dans le même sens: de nombreuses industries "agissent de manière irresponsable depuis des décennies". Elles "contribuent et sont les premières bénéficiaires des attaques contre les défenseurs de l'environnement", accuse l'ONG.

En 2020, l'exploitation minière et l'agro-industrie peuvent être considérées comme responsables de 34 meurtres, selon Global Witness, qui a observé un contrôle croissant des "groupes paramilitaires et criminels" sur les populations rurales.

Le Cauca, l'une des régions les plus troublées de Colombie, illustre parfaitement les menaces conjointes qui pèsent sur la nature et ses défenseurs.

Près de Toribío, où vit Mme Umenza, l'extraction illégale d'or pollue l'eau au mercure et, plus au nord, les pesticides utilisés pour la culture illégale de la marijuana empoisonnent les sols.

Ces deux négoces enrichissent des dissidents de l'ex-guérilla de FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie, signataire d'un accord de paix signé 2016), les rebelles marxistes de l'ELN (Armée de libération nationale), et des groupes paramilitaires d'extrême droite.

Selon Mme Umenza, certaines entreprises ayant pignon sur rue profitent également de l'exploitation illégale d'or qu'elles achètent à bas prix. "Ils parrainent tous ces creuseurs et mineurs artisanaux, soit-disant illégaux".

L'activiste est membre de la "Guardia Indígena" (la Garde indigène), une organisation non-armée qui défend les droits des autochtones avec de simples bâtons, et quelques talkie-walkies. Et a sauvé la vie de Mme Umenza à plusieurs reprises, selon elle.

La Garde pénètre souvent dans les plantations de canne à sucre, qu'elle estime avoir été usurpées aux "ancêtres", et s'y heurte aux forces de l'ordre. Il est aussi courant que ses membres désarment et expulsent de leurs terres des combattants des groupes armés.

Gilet pare-balles

"Dans les territoires indigènes, nous avons heureusement réussi à empêcher l'exploitation minière", se réjouit le leader indigène.

Mais le prix à payer est élevé: en 2021, un membre de la garde a été tué en moyenne par semaine jusqu'à présent.

Les menaces à l'encontre de Celia ont commencé en 2001. La première tentative d'assassinat a eu lieu en 2005, quand des guérilleros des FARC qui lui ont tiré dessus alors qu'elle se promenait dans la campagne.

Quatre ans plus tard, sous la menace, elle a dû fuir la région. Ce fut le premier exil forcé loin de son village. Le dernier remonte à janvier 2021.

Après avoir dénoncé ces menaces auprès des autorités l'activiste s'est vu attribuée en 2011, avec quatre autres personnes de la région, une escorte par l'Unité de protection nationale (UNP), un organisme public.

Il y a quelques mois, le même bureau lui a offert une escorte personnelle, un téléphone et un gilet pare-balles.

"Je n'en ai pas voulu, parce que marcher à pied avec un gilet me fait me sentir plus vulnérable", comme si j'étais une cible mobile, explique Celia.

La "peur" a depuis lors envahi sa vie et celle de ses proches. Ses trois enfants vivent loin d'elle par sécurité, et elle s'est séparée de leur père qui "ne supportait plus" le cercle vicieux des menaces, des attaques et de l'exil temporaire.

"Ce n'est pas facile de vivre comme une cible, avec un chasseur à tes trousses, sans rien savoir du lendemain", confie-t-elle.

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