Signal d'alarme en ce début de 2021 : le baromètre européen du Cevipof, centre de recherches politiques de Sciences Po, montre une population française en proie à la lassitude (41 %), la morosité (34 %) et la méfiance (28 %). Sérénité et confiance n'arrivent que loin derrière avec 15 %... Or c'est le contraire à l'étranger, notamment en Allemagne où l'enquête constate une sérénité à 40 %, la lassitude n'étant ressentie que par 15 % des gens.
Cet écart massif entre les deux voisins se retrouve en politique : en Allemagne le gouvernement Merkel est approuvé à 57 % et le Bundestag à 58 % ; en France le duo Macron-Castex ne recueille que 35 % et les députés 38 %. Selon 67 % des Allemands, la démocratie marche bien ; seuls 42 % des Français pensent la même chose… Et moins de la moitié des Français, contre 79 % des Allemands, déclarent s'intéresser encore à la politique.
La comparaison se renforce en regardant le Royaume-Uni, où 61 % des sondés se disent satisfaits de leur démocratie, en dépit du difficile Brexit et de mesures sanitaires strictes qu'ils subiront jusqu'en mai.
D'où vient une telle désaffection des Français envers leurs institutions ? L'enquête 2021 du Cevipof indique une piste qui confirme ce qui a été observé de décembre 2018 à décembre 2020 : près de 70 % des interrogés pensent que la société française irait mieux si les citoyens étaient associés aux grandes décisions.
L'Etat protecteur est plébiscité
Ces réponses à l'enquête du Cevipof désavouent l'idée macronienne des débuts, qui tendait à “manager” le pays comme une entreprise. Elles vont dans le sens d'expériences comme celle des conventions citoyennes. Mais cette approbation elle-même se retourne en déception devant un exemple concret : le hiatus réducteur entre les propositions de la Convention citoyenne sur le climat et ce qu'en a tiré l'exécutif. Hiatus qui aboutit d'ailleurs à mettre en difficulté la ministre Barbara Pompili au sein du gouvernement, comme l'avait été auparavant Nicolas Hulot…
En revanche, les réponses des Français confortent le Macron deuxième manière : celui de 2020 et d'un Etat-providence retrouvé par la force des choses – après avoir été maudit durant trente ans par les théories ultralibérales.
Les citoyens interrogés plébiscitent les services publics : 81 % applaudissent l'hôpital, 77 % l'armée, 73 % l'école, 69 % la police, 69 % la Sécurité sociale. Mais les partis arrivent derniers avec un très faible 16 %. Et 65 % des interrogés ne ressentent envers la politique que “méfiance”, “dégoût” ou “ennui” ; 70 % jugent que les politiciens sont loin des réalités ; 65 % les pensent “plutôt corrompus”.
Les sources de la solidarité nationale
Pour couronner le tout, l'enquête met au jour l'existence d'une majorité de Français jugeant que le pays n'est plus qu'une juxtaposition de “communautés qui cohabitent”, plutôt qu'une nation “assez unie malgré ses différences”.
Le problème français prend ainsi la forme de deux urgences. D'une part, comme l'envisage le sénateur de la Manche Philippe Bas, il faut “rééquilibrer” les institutions pour que l'exécutif ne soit plus coincé entre un Parlement “réduit à une fonction d'approbation” et un “périlleux dialogue avec la rue”. D'autre part – urgence morale, donc plus difficile – il faut retrouver et dégager les sources du sentiment de solidarité nationale : elles sont encombrées pour l'instant par les scories du repli sur l'individualisme.
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