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Etats-Unis: rescapés de fusillades, la vie après les balles

Columbine, Parkland, Baltimore... Ces noms de villes riment avec la mort, celle des innombrables personnes tuées par balles aux Etats-Unis ces vingt dernières années.

Etats-Unis: rescapés de fusillades, la vie après les balles
Anthony Borges dévoile ses cicatrices lors d'une interview avec l'AFP à Coral Springs en Floride, le 9 août 2019. L'adolescent a été blessé le 14 février 2018 lors de la fusillade de Parkland - Eva Marie UZCATEGUI [AFP]

Dans un pays où les décès par armes à feu approchent les 40.000 par an, suicides inclus, les victimes sont aussi les blessés. Ceux qui, une fois l'intérêt médiatique dissipé, continuent à souffrir physiquement et à lutter contre leurs démons psychiques.

L'AFP a donné la parole à trois d'entre eux.

La première tuerie de masse dans une école

Quand Kacey Ruegsegger entend une série de +pop pop+ derrière la fenêtre de la bibliothèque de son lycée de Columbine, la jeune Américaine se retourne pour voir ce qu'il se passe. Le bruit cesse aussi vite qu'il a commencé et elle replonge son nez dans son magazine.

Nous sommes le 20 avril 1999. Le groupe préféré de Kacey, NSYNC, domine les classements de ventes d'albums, internet commence à se développer dans les foyers et personne n'a entendu parler de fusillades dans les écoles.

Kacey Ruegsegger, 17 ans, n'aurait pas dû être au lycée ce midi-là mais l'adolescente décide de passer sa pause déjeuner à la bibliothèque.

Quelques minutes plus tard, une enseignante entre en hurlant pour signaler l'arrivée de garçons armés.

"La panique et sa voix ont montré que c'était réel et que nous devions nous baisser et nous cacher", se remémore le jeune femme, interviewée par l'AFP dans sa maison de Raleigh, en Caroline du Nord, où elle vit avec son mari et leurs quatre enfants.

Elle se réfugie sous un bureau, serre une chaise contre elle et attend. Elle pense avoir trouvé une bonne cachette et espère que les tireurs la dépasseront.

Elle a tort. "Il a tué le garçon qui se cachait derrière moi, a pointé son arme sur moi et je me souviens entendre le coup de feu qui m'a touché", dit Kacey.

La balle du fusil se loge dans l'arrière de son épaule droite puis ressort.

Ce jour de printemps 1999 dans ce lycée du Colorado, douze élèves et un professeur sont abattus par deux adolescents de l'établissement, qui mettent ensuite fin à leur jour.

Ce drame est la première tuerie de masse dans une école américaine, phénomène qui se répète tristement depuis.

Pour Kacey Ruegsegger, ce 20 avril marque le début d'un long cauchemar. La jeune femme est hospitalisée pendant des semaines - elle sera opérée une dizaine de fois. Et la famille est sans cesse sollicitée par les médias.

Une petite lueur vient éclairer l'obscurité du moment quand elle reçoit la visite de son boys band adoré, NSYNC.

Son bras droit qui risque l'amputation est sauvé in extremis grâce à un donneur d'os. Les résultats ne sont pas parfaits: mobilité réduite, asymétrie au niveau des épaules et cicatrices. Mais la greffe a changé sa vie.

Un temps Kacey Ruegsegger a pu continuer à vivre sa passion, les spectacles équestres, et même à participer à des championnats du monde.

Elle a ensuite mené une carrière courte - mais pleine de succès - d'infirmière, avant de renoncer après des avertissements de son médecin: elle risquait de perdre son bras.

Au-delà de ses séquelles physiques, le traumatisme lié à cette attaque étouffe la jeune femme. Elle dort sur le sol de la chambre de ses parents les mois suivant la fusillade et continue, pendant plusieurs années, à souffrir d'épisodes intenses de stress post-traumatique.

"Le pot d'échappement d'une voiture pouvait créer chez moi une crise de panique", explique-t-elle.

"Si j'étais au supermarché et que quelqu'un y entrait et pour n'importe quelle raison cela déclenchait chez moi une crise de panique, je devais partir et rentrer chez moi et ma journée était fichue."

Progressivement, et avec l'aide de son mari Patrick, Kacey est parvenue à surmonter ses angoisses. Elle a écrit un ouvrage pour aider d'autres personnes traumatisées et raconte son histoire lors de conférences.

Aujourd'hui, dit-elle, "je peux enlacer mes enfants de mes deux bras".

"Je souffre"

C'est une histoire banale: une altercation lors d'une soirée dégénère et on en vient aux mains.

Mais aux Etats-Unis, où les armes à feu pullulent, particulièrement dans la ville de Baltimore, ces disputes peuvent rapidement dégénérer. Et cette violence quotidienne ne fait pas les gros titres des journaux.

Nous sommes en 2007 et Antonio Pinder, 19 ans à l'époque, part avec son oncle chercher sa mère à une fête.

Sur place, le jeune homme entame une conversation avec une jeune femme, ce qui n'est guère apprécié par un des convives. Une dispute éclate.

L'instant d'après, une balle perfore son torse au niveau gauche et ressort de son dos, côté droit.

"J'ai couru à travers l'allée et j'essayais juste de m'enfuir, avec un trou en moi", se souvient-il.

Antonio Pinder s'effondre dans les bras d'un de ses cousins venu à sa rescousse et se voit mourir.

Condamné pour ce crime, son agresseur a depuis été libéré.

Aujourd'hui, le jeune homme de 31 ans est grand et bien bâti. Mais cette belle apparence masque la lutte qui l'a empêché de travailler pendant des années et miné sa confiance en lui.

En traversant son corps, la balle a détruit la moitié de ses intestins.

Après une première opération, il a pu d'abord reprendre son travail. Mais des complications, qui ont provoqué des inflammations et aggravé la douleur, l'ont poussé à poursuivre le médecin en justice.

Il souffre aussi de trois occlusions intestinales nécessitant un traitement à l'hôpital.

"Toute la journée, tous les jours, je souffre, quand je vais dormir, quand il pleut, je me mets en boule dans mon lit, je passe ma vie à l'hôpital."

Son état de santé l'empêche de manger certains plats comme la viande rouge, sans quoi il s'expose à des heures de vomissements et de douleurs.

Impossible de travailler à plein temps, avertit son médecin. Equation délicate quand on doit élever une famille de six enfants avec sa compagne dans un quartier difficile.

Il se dit "déprimé". "Je sens que je les laisse tomber à de nombreuses reprises", confie-t-il.

L'"Iron Man" de Parkland

La famille Borges a fui le Venezuela en 2014. Anthony a alors 12 ans.

Quatre ans plus tard, l'adolescent est dans son lycée de Parkland le jour de la Saint-Valentin lorsqu'un ancien élève ouvre le feu avec un fusil semi-automatique et fauche 17 vies.

Anthony, jeune garçon longiligne, est touché à cinq reprises: dans le dos, sous l'aisselle et à la jambe gauche.

"Tu luttes pour quitter le Venezuela et avoir une nouvelle vie et puis cela arrive", se désole aujourd'hui le jeune homme de 16 ans.

Quand il est frappé par les balles d'AR-15, un fusil d'assaut semi-automatique, Anthony pénètre dans une classe où 20 autres élèves se cachent. Il barricade la porte de son corps et prend quatre balles de plus avant que le tireur ne continue son chemin.

"Iron Man" est-il alors surnommé en référence à l'invincible super-héros Marvel.

"Je ne me sens pas vraiment comme un héros, je suis juste une personne normale", relativise aujourd'hui Anthony.

Comme immunisé à la chaleur étouffante de Floride en ce jour d'août, il est vêtu d'un sweat-shirt blanc et d'un jogging noir qu'il soulève pour dévoiler de profondes cicatrices.

Après 13 opérations et des mois de rééducation, Anthony a regagné sa mobilité, sauf pour un pied. Il ne peut toujours pas bouger certains doigts et pourrait avoir besoin d'une autre opération.

"Parfois je rêve" de l'horreur qui a suivi la fusillade. "Parfois j'ai mal aux jambes, au dos quand je marche."

Il parle peu. Quand il s'exprime, il semble s'adresser à lui-même.

"Tout cela l'a rendu plus calme et plus réservé", affirme à l'AFP son père, Royer Borges.

L'expérience du drame lui a donné l'énergie pour avancer dans la vie, même si le tireur lui a volé son rêve d'enfant de devenir footballeur professionnel.

Aujourd'hui, ses yeux s'illuminent quand on évoque son voyage prévu en mars à Barcelone où il doit assister à un match de Lionel Messi et de son équipe de foot préférée.

Et alors que sa jambe était en sursis, il joue maintenant au foot avec ses amis. Bientôt il reprendra l'entraînement.

Anthony est scolarisé à la maison car sa famille n'a plus foi dans le système scolaire. Ils ont attaqué les responsables locaux en justice pour ne pas avoir assez protégé les élèves.

Quand tout cela sera terminé, ils veulent vivre en Europe.

Beaucoup des anciens copains de lycée d'Anthony sont devenus les portes-voix d'un mouvement pour réguler les armes à feu. Pas vraiment le crédo de la famille. Son père, un chrétien conservateur, pense que le problème des armes est d'abord un enjeu de santé mentale, l'argument notamment avancé par Donald Trump.

En attendant, en août quand une fusillade a fait 22 morts à El Paso au Texas, Anthony a replongé dans les douloureux souvenirs.

"J'ai ressenti quelque chose d'horrible car je sais ce que cela fait."

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