Le gouvernement islamo-conservateur et l'opposition turques bouclaient samedi leur campagne pour les élections législatives dans un climat tendu, au lendemain d'une nouvelle attaque mortelle contre le principal parti kurde élevé au rang d'arbitre du scrutin.
Comme le suggéraient déjà nombre de témoins, les premiers éléments de l'enquête ont confirmé que la double explosion qui a fait vendredi à Diyarbakir (sud-est) deux morts et plus d'une centaine de blessés lors d'une réunion publique du Parti démocratique du peuple (HDP) était bel et bien d'origine criminelle.
Des sources judiciaires interrogées par l'AFP ont indiqué qu'elle avait été provoquée par une bombe remplie de billes métalliques. "Les experts ont récupéré des centaines de billes et de débris d'un cylindre de métal", ont-elles affirmé.
Vendredi soir, les déflagrations avaient d'abord été attribuées à un transformateur électrique, mais le ministre de l'Energie Taner Yildiz avait rapidement écarté ce scénario.
Les enquêteurs n'ont pour l'heure procédé à aucune arrestation mais ils disposent d'images vidéo des événements et ont collecté des empreintes digitales sur les lieux de l'explosion, selon les mêmes sources judiciaires.
Dernier en date d'une longue série visant le HDP, ce grave incident a électrisé les dernières heures d'une campagne législative incertaine.
Au pouvoir depuis 2002, le Parti de la justice et du développement (AKP) est donné favori du scrutin. Mais, victime du déclin de l'économie et des critiques récurrentes sur sa dérive autoritaire, son règne sans partage est pour la première fois menacée.
Le président Recep Tayyip Erdogan a lui-même ajouté aux tensions en transformant l'élection en référendum autour de sa personne. Pendant des semaines, il a fait campagne pour que l'AKP décroche plus de 330 des 550 sièges de députés nécessaires à une réforme de la Constitution qui renforcerait ses pouvoirs de président.
Dans cette course aux voix, le HDP concentre toutes les attentions.
- 'Menaces' -
S'il franchit la barre des 10% des voix, requise pour entrer au parlement, il devrait obtenir une cinquantaine de sièges de députés et ainsi priver l'AKP des 330 sièges qu'il convoite. Les enquêtes d'opinion les plus audacieuses pronostiquent même que le HDP pourrait faire perdre sa majorité absolue à l'AKP.
Promu au rang de "faiseur de rois", le parti kurde a subi de multiples attaques ces dernières semaines.
Mercredi soir, le chauffeur d'un car portant ses couleurs avait été tué à Bingol (est) par des tirs d'origine inconnue. Et le mois dernier, deux colis piégés avaient visé les sièges du HDP à Adana et à Mersin (sud), faisant plusieurs blessés.
Après l'attaque de Diyarbakir, le chef du file du HDP Selahattin Demirtas a demandé à ses troupes de ne pas céder aux "provocations" et assuré qu'il ne cèderait pas aux "menaces", clairement attribuées au pouvoir.
"Cela fait deux mois que le HDP est pris pour cible et décrit comme un traître à la patrie () le président de la République et le Premier ministre voulaient démontrer que le HDP a mérité ce qu'il lui arrive", a dénoncé M. Demirtas lors d'un meeting à Istanbul, "voilà dans quel climat nous devons nous rendre aux urnes".
Samedi, des milliers de ses partisans ont également participé à Diyarbakir à un sit-in aux cris de "l'AKP rendra des comptes".
Dès vendredi soir, le gouvernement a lui aussi dénoncé l'attaque qui a visé son rival, qualifiée de provocation par le Premier ministre Ahmet Davutoglu. "Il est d'une importance capitale que ce type de provocation contre nos citoyens ne perturbe pas le climat de paix et de fraternité de notre pays", a renchéri M. Erdogan.
Mais, furieux que le dirigeant du HDP ait refusé de lui parler au téléphone après l'attaque, le président a repris le ton vindicatif qu'il affectionne pour rabrouer celui qu'il moque à longueur de discours comme le "beau gosse".
"Pourquoi tu ne m'as pas répondu ? Regardez comme il est distant", s'est-il emporté lors d'une réunion publique à Ardahan (est).
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