![[Enquête]. Côte d'Albâtre : de la surfréquentation au tourisme durable, le défi d'Étretat](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/397166/)
À Étretat, on compte 803 touristes pour un habitant. La crise sanitaire ne les a pas éloignés, au contraire. Si l'office de tourisme recensait 915 000 visiteurs en 2020, la barre du million a de nouveau été franchie l'an dernier sur ce territoire de 4 km2, avec des pointes historiques - et inattendues - pendant les vacances de février. "On peut largement parler de surfréquentation", estime Estelle Serafin, adjointe au maire en charge du tourisme et du développement économique. Sur ce territoire, la commune n'est pas la seule à la manœuvre. Membre depuis 2019 de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, elle est aussi l'une des treize municipalités incluses dans l'opération Grand Site, pilotée par le Département de Seine-Maritime. L'État, à travers notamment le conservatoire du littoral, est lui aussi partie prenante.
Exit voitures et motos
Il y a urgence. "D'abord, pour la sécurité des touristes et des locaux, et dans un souci de confort, pour que tout le monde (habitants, commerçants, touristes) puisse y trouver son compte et profiter d'Étretat l'éternelle. On veut avancer vers du tourisme propre, sans pollution sonore et sans pollution tout court, en bord de mer", poursuit Estelle Serafin. Un plan pluriannuel, courant jusqu'à 2031 et chiffré à 50 millions d'euros, a été élaboré par l'équipe municipale élue en 2020. Objectif : établir et hiérarchiser les aménagements à réaliser. La commune et la communauté urbaine y travaillent de concert lors d'échanges mensuels. "Le Havre Seine Métropole a des compétences et est force de proposition", estime l'adjointe au maire. Priorité numéro 1 : la sécurisation du village, à travers la piétonnisation partielle du centre-ville. À terme, seuls les habitants seraient autorisés à y circuler en voiture. "Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, sans infrastructure pour reloger les 400 places existantes de l'hypercentre", tempère Estelle Serafin. La municipalité voudrait en profiter pour déporter le parking réservé aux motos, "qui drainent une pollution sonore très importante, dans un hypercentre exigu, avec des trottoirs étroits". La place des autocars, qui stationnent actuellement sur le parking du Grand Val, près des écoles, est aussi en réflexion. "Notre but n'est pas d'agrandir la capacité d'accueil, mais bien de réorganiser les flux", assure l'adjointe au maire. Où réintégrer les places du centre-ville ? La pérennisation du parking de la Guezane, situé route de Criquetot-l'Esneval, pourrait être une solution. Mais pour l'heure, les propriétaires de ce terrain, situé sur la commune du Tilleul, ne souhaitent pas s'en séparer. Il est mis à disposition gracieusement dans le cadre d'une convention tripartite avec les deux communes. Étretat a identifié un autre foncier dans le périmètre de la commune, mais cette piste n'a pas obtenu l'aval de toutes les parties prenantes. "Étretat étant un site classé, nous sommes plusieurs à devoir donner le 'go'." Une multiplication des décisionnaires qui peut entraîner de l'inertie. "Toute objection est recevable… Tant qu'il y a des contre-propositions qui permettent de faire avancer les choses."
Comme Deauville depuis 1988, la commune d'Étretat a engagé une démarche pour protéger l'utilisation de son image et de son nom.
Pourquoi faire d'Étretat une marque ?
"Le but de cette démarche est de contrôler l'image et les valeurs véhiculées au travers de notre site. Dernièrement, Ferrero a lancé une grande campagne sur ses pots de pâte à tartiner, présentant le patrimoine des régions françaises, dont une édition limitée avec les falaises d'Étretat. Nous aimerions, au travers du contrôle de la marque, qu'Étretat puisse être informée de ce type de démarche pouvoir donner ou non son aval. Nous avons réalisé des études l'an passé et rencontré de nombreux maires qui ont déjà référencé le nom de leur village, dont celui de Deauville, Philippe Augier."
Comment cela fonctionne-t-il ?
"Concrètement, un cabinet d'avocat va effectuer une veille. Le référencement à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) n'est clairement pas une source de revenus, c'est une protection de l'image. Au mieux, vous arrivez à l'équilibre financier."
Vous travaillez aussi à réguler la location touristique type Airbnb, Abritel, etc.
"Ces dernières années, on connaît une cannibalisation des logements, rachetés à des fins touristiques alors qu'ils pourraient être loués à des familles. Nous réfléchissons à une réglementation pour encadrer cette pratique, mais il faut bien peser les choses. Une personne qui achète un gîte rénove l'habitat, et l'on a beaucoup de logements anciens sur la commune [36 % antérieurs à 1919 selon l'Insee, ndlr]. Elle a d'ailleurs été retenue dans le cadre du programme national "Petites villes de demain", qui vise à améliorer les conditions de vie des habitants."
Pour tenter d'étaler la manne touristique d'Étretat, l'office de tourisme mise sur la période hivernale. Il a notamment invité des influenceurs sur le territoire.
"Trouver un logement le 15 août à Étretat sans avoir réservé, c'est comme chercher une place de parking le 14 juillet sur les Champs Élysées", concède Benoît Remy, directeur de Le Havre Étretat Tourisme.
Des influenceurs pour l'hiver
Cet organisme a en charge l'information touristique sur la cité de Maurice Leblanc depuis le 1er janvier 2019 seulement, date de la création de la communauté urbaine. En 2021, il estimait à 1,1 million le nombre de visiteurs sur la zone étretataise. Face à la surfréquentation estivale et en accord avec la municipalité, l'office de tourisme mise sur un étalement des visites au-delà de juillet-août. "Pour la première fois, en 2021-2022, nous avons monté une campagne de communication basée sur l'hiver, en invitant des influenceurs sur le territoire", poursuit Benoît Remy. Un couple de trentenaires, une famille et un couple de retraités ont ainsi été conviés à la période de Noël, avec pour objectif de relater leur séjour sur leurs blogs ou réseaux sociaux respectifs. "En général, il faut attendre trois ans avant de voir les retombées des campagnes." En parallèle, l'office a aussi mis en place des activités destinées au jeune public pendant les vacances d'hiver et sollicité un service de tuk-tuk, des tricycles motorisés électriques. "La campagne estivale est plutôt basée sur Le Havre, où l'on n'est pas saturé. On ne peut pas ignorer les atouts d'Étretat, mais cela ne sert à rien de trop communiquer sur cette période-là."
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