"Toi tu guettes, toi tu mets la colle, toi tu poses l'affiche, moi je recolle." L'organisation est quasi militaire. Il faut être efficace pour ne pas être surprises par la police car, même si ce n'est pas du grand banditisme, cela est illégal. Ce soir-là, elles sont quatre. Colle, pinceaux et affichettes en mains, ces colleuses sont prêtes. Depuis début octobre, ces Caennaises, pour la plupart âgées entre 20 et 30 ans, se rejoignent une fois toutes les deux semaines pour faire des collages. "On ne veut plus compter nos mortes", "Stop féminicide" ou "le machisme tue" sont quelques-unes des phrases que ces femmes inscrivent sur les murs. "On veut interpeller les gens sur les violences faites aux femmes", indique Nastasia, membre des Soeurcières. "Les collages ont été lancés par Marguerite Stern à Paris, puis ça s'est développé un peu partout en France. Nous avons décidé de le faire à Caen. Ensuite, on a voulu organiser d'autres actions et on s'est tellement bien entendues qu'on a créé les Soeurcières."
Des relais nationaux
Le collectif féministe d'une dizaine de membres a mené sa première action publique en janvier, nommée 'Tu étais habillée comment ?'. "L'objectif était de dénoncer la remise en question faite par les proches ou les forces de l'ordre envers les victimes en leur posant cette question par rapport à la tenue vestimentaire qu'elles portaient lors d'une agression sexuelle." Des dizaines de personnes s'étaient réunies place Bouchard, munies de témoignages inscrits sur une pancarte, et vêtues de la tenue que les victimes portaient lorsqu'elles ont été agressées. Une manifestation remarquée, y compris au niveau national, ce qui a surpris les jeunes femmes : "On ne s'y attendait pas. On a donc voulu étendre notre prochaine action qui s'appelle 'Je te crois' à toute la France, en lançant un appel à d'autres collectifs", explique Jeanne, également membre des Soeurcières. Plus d'une trentaine de villes ont déjà prévenu qu'elles participeraient à l'action, le 14 mars. Ces actions et collectifs attirent de plus en plus de personnes, comme Anna, novice en collage. "Ce n'est pas stressant, mais excitant !". Avec ses camarades, elles s'étaient donné rendez-vous à 21 h 15. Une fois le petit groupe réunit, reste à trouver les murs adéquats pour coller les feuilles préalablement préparées par chacune d'entre elles : assez voyants pour être remarqués par les passants, mais pas trop, pour ne pas se faire repérer par la police. Il ne leur faut pas plus de quelques minutes pour former les slogans. Les Soeurcières l'avouent d'ailleurs elles-mêmes : "On n'a jamais été aussi efficaces !". Ce soir-là, les gens les félicitent et les encouragent. Après une dizaine de collages - et une petite frayeur à l'approche d'une voiture de police - tout le monde rentre chez soi vers 23 heures. Ces phrases resteront jusqu'au petit matin ou quelques jours, sur les murs les moins visibles. Des collages éphémères, pour dénoncer un fléau durable.
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