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[Dossier]. Chanvre, lin… Des nouveaux vêtements à la mode de Caen

Culture. La culture du lin est déjà bien implantée dans la plaine de Caen, et voilà que celle du chanvre entend faire sa place aussi. Le Calvados compte bien s'imposer comme précurseur dans ce domaine. Décryptage.

[Dossier]. Chanvre, lin… Des nouveaux vêtements à la mode de Caen
Ce lin séché deviendra bientôt un tee-shirt ou un pantalon ! 

La culture du lin connaît déjà un grand succès dans la plaine de Caen, et voilà que le chanvre tente lui aussi de pointer le bout de son nez. Ces deux plantes très intéressantes du point de vue écologique permettent d'obtenir des fibres textiles de grande qualité, qui bien traités, pourront se transformer en vêtements. Et le climat normand est idéal à leur développement. "Cultiver le lin c'est un véritable état d'esprit, car il faut être soigneux", affirme Marc Vandecandelaere, agriculteur et président de la Coopérative agricole linière du nord de Caen. Cette plante qui atteint jusqu'à 90 centimètres de haut à maturité ne peut être semée que tous les six ans dans le même champ, "afin d'assurer une rotation des cultures". Une fois arraché, le lin doit rouir dans les champs, c'est-à-dire macérer, et l'alternance normande de chaleur et de pluie en été lui est optimale. Direction ensuite le séchage puis un centre de teillage - la coopérative en a ouvert un second à Saint-Manvieu-Norrey en décembre - pour en ressortir des fibres longues ou courtes, qui sont dans le même temps triées en fonction de leur qualité. "Cette culture demande beaucoup de main-d'œuvre, mais est très rémunératrice pour un agriculteur", toujours selon Marc Vandecandelaere. Ce n'est donc pas pour rien qu'on en cultive 10 000 hectares chaque année dans le département, et qu'aujourd'hui "ils ne sont plus beaucoup à ne pas en faire dans la plaine de Caen".

Répondre aux enjeux actuels

Mais surtout, c'est une culture peu exigeante. Le lin n'a besoin que de peu d'irrigation, et de peu de produits phytosanitaires. De quoi proposer une fibre textile bien plus "écolo" que le coton, gourmand en eau et pas avare en pesticides, ou que les fibres synthétiques, réalisées avec du pétrole. Et encore mieux que le lin, Henri Pomikal a relancé depuis peu la production d'une plante qui semble ne présenter aucun défaut : le chanvre. Le vice-président de la coopérative la qualifie même de "petit miracle de la nature". Le chanvre est une plante complètement autonome, qui ne nécessite aucun intrant, n'a pas de ravageurs, ainsi qu'aucune maladie connue. "Elle peut même pousser sans pluviométrie." Incroyable pas vrai ? Autre avantage, s'il en fallait un, pour être teillé, le chanvre peut passer dans les mêmes machines que le lin. "Au sein de la coopérative, on en cultive aujourd'hui 300 hectares", dresse fièrement Henri Pomikal, qui a assuré les premières récoltes à la main, avant de participer à l'invention d'une machine sophistiquée. Depuis que la sucrerie de Cagny a fermé ses portes en 2019, de nombreux agriculteurs cherchent à remplacer la betterave par une autre culture. Le retour en grâce du chanvre est donc arrivé à point nommé. "Nous avons été précurseurs, et je pense que c'est un pari gagnant", clame l'agriculteur de Fleury-sur-Orne. Grâce aux vertus écologiques et qualitatives des fibres textiles du lin et du chanvre, l'avenir s'annonce radieux. Un avenir dont comptent bien profiter certains locaux, qui se lancent dans la vente de vêtements au très fort accent calvadosien.

Clotilde Eudier : "Il faut développer la filière et ne plus envoyer les fibres à l'étranger"

Calvados. Clotilde Eudier : "Il faut développer la filière et ne plus envoyer les fibres à l'étranger"
Clotilde Eudier est la vice-présidente de la région Normandie chargée de l'agriculture.

Clotilde Eudier est vice-présidente de la région Normandie, en charge de l'agriculture.

Elle-même agricultrice, Clotilde Eudier a pris à bras-le-corps le sujet des fibres textiles. Vice-présidente d'une région qui est la première productrice mondiale de lin, elle souhaite que la Normandie rayonne aussi à travers sa volonté de redonner vie à la filière du chanvre, de sa production à sa confection.

Comment la région a-t-elle favorisé la création d'une filière chanvre ?

"Au début je n'y croyais pas ! Mais puisque nous savions déjà très bien cultiver le lin, tout le potentiel était là. La région a financé à hauteur de 350 000 € le prototype d'une faucheuse. Le chanvre étant plus grand que le lin, il fallait donc une autre machine. Depuis, six ont été commandées. Nous avons aussi aidé à structurer entièrement la filière dès le départ."

S'habiller en lin et en chanvre,
c'est l'avenir ?

"Je l'espère ! Je pense que nos jeunes ont une véritable prise de conscience et font attention à ce qu'ils achètent. L'industrie de l'habillement est très polluante, et il faudra qu'elle devienne plus vertueuse. C'est pour cela que nous essayons d'être précurseurs dans ce domaine, et qu'un véritable engouement existe chez nos agriculteurs, avec maintenant 600 hectares consacrés au chanvre en Normandie."

La Normandie peut-elle rayonner aussi à travers ses fibres textiles ?

"Nous voulons faire de cette filière une filière d'excellence. La développer, tout en gardant la valeur ajoutée. Il faut répondre à cette demande sociétale de ramener l'industrialisation en France, et ne plus envoyer la matière première à l'étranger."

Des vêtements qualitatifs qui ont de l'avenir

Calvados. Des vêtements qualitatifs qui ont de l'avenir
Marc Vandecandelaere s'assure que tout fonctionne pour le mieux au sein du centre de teillage de Saint-Manvieu-Norrey. 

Le lin a le vent en poupe dans le Calvados.

Matière considérée comme noble, parfois "aristocratique", le lin est pourtant vieux comme le monde. "Les momies égyptiennes étaient recouvertes de bandelettes en lin", s'amuse à rappeler Paul Boyer, à la tête de LINportant, une coopérative concevant des tee-shirts en lin bio à Evrecy. Souhaitant développer la fabrication française, il remarque que "le marché est en développement depuis une quinzaine d'années". Des demandes qui augmentent d'ailleurs en période de canicule, le lin ayant la capacité d'absorber l'humidité. Et puis, "les gens regardent les étiquettes maintenant", souffle Paul Boyer. Propos corroborés par les deux cofondateurs de Declerck, une marque calvadosienne qui va bientôt mettre en vente sa première collection de prêt-à-porter haut de gamme. "Il y a de plus en plus une vraie prise de conscience chez le consommateur", pour Marine Declerck, la styliste. Le caractère "vert" de la culture du lin est aux antipodes de celle du coton, souvent OGM. Et les circuits 100 % français prônés par LINportant ou Declerck évitent d'accumuler les kilomètres, esquivant ainsi les escales en Asie principalement. "C'est aussi une manière de développer l'emploi sur le territoire", poursuit la jeune femme.

Les signaux sont au vert

Mais l'écoresponsabilité d'un vêtement en lin, qui d'ailleurs est recyclable à l'infini, n'est pas son seul atout. "C'est une matière agréable à porter", abonde Marc Vandecandelaere, agriculteur, et assurant que les consommateurs asiatiques sont de plus en plus friands de ces vêtements en lin, développant eux aussi une conscience écologique. "La solidité est vraiment remarquable", pour Paul Boyer, pas avare en compliments sur cette fibre naturelle. "Le lin offre une véritable rentabilité dans le temps", clôt Antoine Fava, le binôme de Marine Declerck. De quoi signer la fin de la fast fashion, consommation sur du court terme, en pouvant garder nos vêtements pendant des années.

Et le chanvre dans tout ça ? Paul Boyer est "impatient" de s'y pencher, tout comme Marine Declerck. D'autres ont sauté le pas, c'est le cas chez Drekks. "Le chanvre est différent du lin, il est plus accrocheur, plus résistant. Je pense qu'il a le potentiel pour remplacer le coton des jeans", explique le directeur Henri Pomikal, à la base du renouveau de la filière chanvre dans le Calvados. Et évidemment, ses vertus écoresponsables sont encore plus appréciables. Après quelques années et plusieurs prototypes, il a enfin trouvé la bonne formule pour avoir un jean qui tient la route, tout en beige, une couleur naturelle. "J'ai envie de le mettre presque tous les jours, je me sens comme dans mon bon vieux Levi's", promet-il. Alors bientôt, des jeans Drekks sur-mesure seront commercialisés. Et puis "pas besoin de promotion, tout le monde met des jeans !", s'exclame Henri Pomikal. Chaque année 85 millions de jeans sont vendus en France, alors l'agriculteur lâche, dans un sourire : "Si on en vend déjà un million ça sera pas mal…" Le chemin est encore long, mais le lin et le chanvre, vêtements d'époque, sont en passe de faire un retour triomphant dans nos armoires. 

Tout ne joue pas en faveur des fibres textiles normandes

Calvados. Tout ne joue pas en faveur des fibres textiles normandes
Un tee-shirt LINportant porté avec un jean Drekks : c'est possible de s'habiller calvadosien,et surtout d'avoir du style !

Quelques désavantages viennent mettre des bâtons dans les roues de l'expansion du textile normand.

Porter des vêtements qui sont à 100 % français, avec des fibres textiles issues de nos champs, implique de mettre un peu plus la main au portefeuille. Comptez une cinquantaine d'euros pour un tee-shirt de chez LINportant, presque 200 euros pour une chemise Declerck et un peu plus de 150 euros pour un jean Drekks. "Le prix est évidemment un frein, mais je pense que certains sont prêts à payer un peu plus cher en sachant que c'est tout une filière qu'il rémunère, avec la qualité qui va avec, pense Antoine Fava, cofondateur de Declerck. Henri Pomikal, directeur de Drekks, pense qu'acheter une de ses pièces "a du sens", même si tout compte fait, "c'est celui qui possède la carte bancaire qui est le donneur d'ordres".

L'image collective dont bénéficie le lin n'avantage pas sa popularité.  On le voit comme un produit d'été, léger, alors qu'on peut le porter en hiver", regrette Marine Declerck, de la marque éponyme. Et climat oblige, ce n'est pas en Normandie que ces vêtements s'écoulent le plus. "Le lin est une matière thermorégulatrice, ce qui fait qu'en été elle permet de rester au frais, et en hiver elle tient chaud", explique pourtant la styliste.

L'avenir reste cependant à conquérir, la popularité de ces matériaux n'étant encore qu'à ses débuts. Seulement 0,4 % des fibres textiles mondiales sont en lin, et 0,2 % en chanvre. Il faut maintenant compter sur des consommateurs de plus en plus conscientisés.

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