La porte s'ouvre, l'odeur du bois fait plonger dans l'enfance : celle d'un grand-père qui rafistolait des meubles. Cette odeur couplée à celle du poêle, quasi instantanément, transporte dans un autre monde. Celui de Jean-Yves Tanguy. Bienvenue dans la tanière de celui qui fait revivre les instruments, les bichonne et leur redonne même, parfois, une seconde vie. Tout cela au fond d'un jardin, dans cette lutherie secrète.
"Les archets anciens sont très prisés"
Au départ, rien ne prédisposait Jean-Yves à façonner, percer, découper, coller ou encore raboter des morceaux de bois. Pendant ses années lycée, il pensait plutôt à une carrière en biologie ou géologie, jusqu'au jour où, pendant un fameux cours de mathématiques en classe préparatoire, "je me suis mis à dessiner des harpes". Une première esquisse, calquée du patron à la réalité. "Je me suis fabriqué une harpe celtique. C'était mon premier instrument", dit fièrement ce passionné de musique qui n'oublie pas ses racines bretonnes. Musicien et chanteur, façonné par une maman pianiste, l'artiste de 63 ans aux cheveux grisonnants s'est alors lancé dans la lutherie. Après des apprentissages à Paris et en Tchécoslovaquie, et une école de lutherie, il s'est installé à Caen, dans la fameuse rue Demolombe. Jean-Yves a restauré et fabriqué des violons pendant plus de 35 ans. Il fait désormais de l'archet ancien sa spécialité. "Ce ne sont pas les mêmes que ceux que l'on voit dans les orchestres modernes. Il n'y a pas de métal, la forme et la longueur sont différentes." Bercé par une douce mélodie classique, ce père de famille de trois enfants, eux aussi musiciens, se penche alors sur son établi pour raccommoder un archet datant de 1740, attribué à Nicolas Pierre Tourte, modestement surnommé "le stradivarius de l'archet".
Dans ses mains, passent successivement bois d'amourette, bois-de-fer ou encore pernambouc, bois venu tout droit du Brésil et idéal pour les archets. "C'est une denrée rare en France, lâche Jean-Yves, pendant que les tiroirs s'ouvrent et se ferment au rythme des besoins de celui qui, tel un artiste, joue avec les matériaux avec légèreté et précision. Mon premier archet était une copie de celui de Christophe Coin, célèbre violoncelliste caennais", sourit-il avant d'intensifier le propos. "Chaque détail peut changer le message que veut faire passer l'artiste. L'archet du musicien, c'est la plume de l'écrivain." Telle une partition, le Normand d'adoption déroule son savoir-faire, lui qui fait partie des plus grands archetiers de France, avec une idée fixe désormais : transmettre son art, ses secrets.
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