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En Albanie, la "ville penchée" de Gjirokastra menace de s'effondrer

La maison Lolomani était une imposante demeure de Gjirokastra, dans le sud de l'Albanie. Aujourd'hui, c'est un tas de ruines, comme des dizaines d'autres dans cette "ville de pierre", joyau du Patrimoine mondial.

En Albanie, la "ville penchée" de Gjirokastra menace de s'effondrer
Les ruines de la maison Lolomani à Gjirokastra, le 15 juin 2018 en Albanie - Gent SHKULLAKU [AFP]

Gjirokastra est une ville bâtie sur les contreforts de la vallée du Drino filant vers la Grèce. Ses murs datent du 3e siècle et ses bâtisses fortifiées, dont la plupart ont été édifiées au 17e et au 18e siècle, valent à la cité d'être inscrite sur la liste de l'Unesco depuis 2005.

Mais ces maisons sont menacées: parfois vides, non entretenues depuis des années, objets de transformations qui les ont dénaturées, aux mains de propriétaires trop nombreux pour se mettre d'accord sur les travaux ou trop pauvres pour les entretenir, sans que les pouvoirs publics ne puissent pallier cette défaillance...

Début 2018, Europa Nostra, une ONG qui oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel de l'Europe, estimait que sur "615 monuments du centre historique" de Gjirokastra, "plus de la moitié sont sujets à des transformations illégales (...), 169 sont dans un état critique ou risquent de s'effondrer".

"J'ai mal pour chaque pierre et chaque mur qui se dégradent", soupire Email Naçaj, peintre en bâtiment de 58 ans, qui se souvient de l'inéluctable effondrement de la maison Lolomani à l'hiver 2016. En contrebas, la toiture de sa maison est à moitié détruite.

"J'ai peur ici, mais ma mère ne veut pas partir", dit-il.

Même s'il en avait les moyens, il ne pourrait engager de travaux: un de ses cousins, copropriétaire et installé à Tirana, refuse.

Certaines bâtisses ont plusieurs dizaines de propriétaires, souvent sans lien affectif avec des maisons confisquées sous le communisme.

Le romancier Ismail Kadaré est né à Gjirokastra. Dans "Chronique de pierre", il décrit sa cité natale comme une "ville de guingois, peut-être la plus penchée qui soit au monde", "où, si l'on venait à glisser au bord d'une rue, on risquait de se retrouver en plein sur un toit".

"Il était une fois Gjirokastra"

A Gjirokastra, les maisons portent le nom de leurs anciens propriétaires, notables de l'Empire ottoman, Karaulli, Fico, Skenduli, Zeko, Babameto, dont la puissance se mesurait au nombre de cheminées.

Sokol Karaulli, 60 ans, est aujourd'hui loin de cette opulence ostentatoire. Descendant d'une grande famille ("cinq cheminées", dit-il), cet ex-militaire survit grâce au salaire de pâtissière de son épouse, en attendant sa pension à 65 ans.

"Le jour où on dira +Il était une fois Gjirokastra+ peut arriver", prévient-il.

Il a coupé l'électricité à l'étage et disposé des bassines pour recueillir l'eau qui a déjà pourri la charpente de sa maison lézardée.

L'État n'est pas inactif. Le bazar de la ville a été réhabilité pour 3 millions d'euros avec l'aide d'une association albano-américaine et de la Banque mondiale. Des échoppes de souvenirs attendent les touristes: 77.000 personnes ont visité la citadelle en 2017, un chiffre en progression de 10 à 15% par an.

Mais "Gjirokastra, ce n'est pas seulement le bazar et quelques endroits emblématiques", dit l'architecte Lejla Hadzic, de l'ONG Cultural Heritage without Borders (CHwB, Patrimoine culturel sans frontières). Ailleurs dans la ville, "la situation se dégrade chaque jour".

Son association alertait dès 2014 sur "la rapide destruction" des quartiers historiques de cette ville qui a vu grandir l'ancien tyran communiste, Enver Hoxha. Sur 650 bâtiments des quartiers historiques, CHwB en recensait alors 40 en très mauvais état, 34 en ruines, 15 au bord de l'effondrement. L'ONG dénombre désormais 47 ruines.

"Prise en mains"

L'émigration massive que subit la ville - un fléau albanais - n'aide pas à préserver les édifices de Gjirokastra. Selon Engjell Seriani, chargé du tourisme à la mairie, la population est passée de 34.000 personnes en 2011 à moins de 25.000 aujourd'hui.

Environ 80 bâtisses sont inoccupées, avec des risques de fuite par les toitures de pierre, qui attaqueront la structure de bois.

"Chaque jour, je vois un truc qui ne va pas, comme si le bâtiment me disait de faire quelque chose", dit le premier adjoint au maire, Vangjel Muco.

Mais avec un budget annuel de 2,5 à 3 millions d'euros, sa municipalité n'est pas armée.

a ministre de la Culture, Mirela Kumbaro, assure que la ville "n'est plus en danger, on l'a prise en mains". Depuis 2013, toute modification des bâtiments est interdite.

Mme Kumbaro attend beaucoup d'une nouvelle loi permettant la création de fondations culturelles. Et elle espère que des rénovations auront lieu de la part d'investisseurs intéressés par le développement du tourisme, comme cela a déjà été le cas pour certains édifices. Une vingtaine de maisons ont été transformées en hôtels ou restaurants ces dernières années.

De fait, les sommes nécessaires pour préserver Gjirokastra sont sans rapport avec le budget du ministère de la Culture, qui pèse pour seulement 0,7% du budget national. Soit 15 millions d'euros alloués à la Culture dont, selon CHwB, seulement un quart dévolu au patrimoine. "Concrètement, (...) il n'y a pas plus de 10.000 euros pour Gjirokastra", estime l'ONG.

A elle seule, la rénovation de la maison Babameto grâce à des fonds suédois a coûté 160.000 euros.

Rien que pour consolider les ruines des maisons qui se sont écroulées - et non pour rénover ou rebâtir -, encore 1,2 million d'euros serait nécessaire, estime Lejla Hadzic, chez CHwB.

"Tous les acteurs du patrimoine devraient intervenir aussi vite que possible, il n'y a qu'un Gjirokastra dans le monde."

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