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L'espion qui venait du Nord

Condamné à mort à deux reprises pour espionnage, il a passé trois décennies derrière les barreaux en Corée du Sud. A 90 ans, Seo Ok-Ryol ne veut qu'une seule chose avant de mourir: rentrer chez lui en Corée du Nord.

L'espion qui venait du Nord
L'ancien espion nord-coréen Seo Ok-Ryol lors d'une interview dans la maison d'un ami, le 22 août 2017 à Gwangju, en Corée du Sud - Ed JONES [AFP]

M. Seo est né au Sud, où il a toujours de la famille, mais fut soldat et espion pour le Nord, où il laissa sa femme et ses deux enfants. Il symbolise les divisions de la péninsule et la façon dont les Coréens ont été ballottés par l'Histoire.

Visage émacié, dos courbé, l'ancien espion marche avec une canne. Mais son esprit reste agile et ses manières, agressives.

"Je n'ai rien fait de mal, je n'ai fait qu'aimer la mère patrie", un concept qui englobe à ses yeux le Sud et le Nord, dit-il à l'AFP dans son premier entretien avec un média international.

Après un sommet intercoréen historique en 2000, Séoul avait envoyé au Nord une soixantaine d'anciens détenus au long cours, surtout des soldats ou des espions.

Mais M. Seo, qui avait signé une promesse de fidélité à Séoul pour pouvoir sortir de prison, obtenant du même coup la nationalité sud-coréenne, n'a pu bénéficier de ce programme.

La gauche sud-coréenne fait aujourd'hui campagne pour que l'ex-espion de Pyongyang et 17 autres anciens détenus dont le plus âgé a 94 ans puissent rentrer chez eux.

Né sur une île du Sud, M. Seo devint communiste en étudiant à la prestigieuse université Korea de Séoul. Durant la guerre de Corée (1950-1953), il rejoignit les forces du Nord, battant en retraite avec elles à mesure de l'avancée des troupes américano-onusiennes.

Poison

Il s'engagea dans le Parti des travailleurs au pouvoir et était enseignant à Pyongyang quand il fut envoyé dans une école d'espionnage en 1961.

"J'ai dû partir sans même pouvoir dire au revoir à ma femme", raconte-t-il.

Dépêché au Sud pour tenter d'y recruter un haut responsable gouvernemental dont le frère avait fait défection au Nord, il franchit illégalement la frontière à la nage dans la rivière Yeomhwa et réussit à retrouver ses parents et ses frères et soeurs.

Mais il ne put remettre au haut responsable visé une lettre de son frère: "Mon frère est comme mort à mes yeux. J'ai dit aux autorités qu'il était mort durant la guerre", lui dit l'homme en refusant la missive.

Ce dernier ne dénonça pas M. Seo, alors même que les contacts non autorisés avec des Nord-Coréens étaient passibles de lourdes peines de prison.

Après l'échec de sa mission, M. Seo resta un mois au Sud, constamment sur le qui-vive pour cacher le livre contenant ses codes, jusqu'à la diffusion par radio d'une série de numéros le rappelant au Nord.

Mais il arriva en retard au lieu de récupération prévu par bateau. Il tenta de gagner le Nord à la nage mais le courant le ramena côté Sud, où il fut arrêté.

"En tant qu'espion, on était censé se suicider en avalant une capsule de poison ou avec des armes. Mais je n'en ai pas eu le temps."

Il raconte avoir subi pendant des mois des interrogatoires très durs, des passages à tabac et des privations de sommeil et de nourriture, avant d'être condamné à mort pour espionnage par un tribunal militaire.

Isolement

A l'isolement, recevant de maigres rations de boulettes de riz et de radis salé, il vit plusieurs espions et sympathisants du Nord partir pour la potence.

En 1963, sa condamnation fut commuée au motif qu'il était novice en espionnage et que sa mission avait échoué. Mais en 1973, il fut à nouveau condamné à la peine capitale, cette fois pour avoir tenté de convertir un détenu au communisme.

"J'ai entendu les mots +peine de mort+ six fois dans la bouche des procureurs et des juges". "Ma mère s'est évanouie à plusieurs reprises."

Ses parents ont vendu leur maison pour financer sa défense et la peine de M. Seo a été à nouveau commuée. Ils sont morts avant que leur fils ne soit libéré.

La politique de rééducation des prisonniers nord-coréens par la dictature sud-coréenne était à son apogée au milieu des années 1970. Les ex-détenus parlent de coups, de simulacres de noyade, de minuscules "cellules de châtiment".

Mais M. Seo raconte n'avoir rien cédé, même lorsque son oeil gauche s'est infecté. "Ils m'ont dit de me convertir, ils me promettaient des soins. J'ai refusé, disant que je ne pouvais échanger ma foi politique contre un oeil".

Il le perdit pour de bon, mais balaie: "Mon idéologie politique est plus précieuse que ma propre vie".

Rester en vie

En 1991, il accepta finalement un compromis et promit de respecter la loi sud-coréenne. Libéré sous contrôle judiciaire, il s'installa dans la localité méridionale de Gwangju, fief de la gauche sud-coréenne, près de son lieu de naissance, tout en rêvant de rejoindre sa femme et ses fils dans une Corée réunifiée.

Sa fidélité envers le Nord reste intacte. Il salue une société "égalitaire" où l'on peut étudier à l'Université d'élite Kim Il Sung avec les seules bourses de l'Etat. Dans son petit appartement, il justifie les ambitions nucléaires de Pyongyang par la nécessité de se défendre face aux Etats-Unis et leur président Donald Trump, "un fou furieux".

Vingt-cinq organisations ont lancé une pétition pour qu'on laisse partir M. Seo, hospitalisé deux mois cette année pour des problèmes cardiaques, et ses camarades refuzniks.

Quelques années après sa libération, une Coréenne qui vivait en Allemagne et s'était rendue à Pyongyang lui avait dit que sa famille était toujours en vie. Mais elle lui avait conseillé de ne pas tenter de les contacter pour ne pas leur nuire.

M. Seo ne s'est pas remarié. Il a du mal à répondre quand on lui demande ce qu'il dirait à sa femme s'il la revoyait.

"Je lui dirais +merci d'être restée en vie+", finit-il par lâcher. "Tu m'as manqué. Je ne m'attendais pas à vivre séparé de toi pendant si longtemps."

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